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EXPOSITION
Deep Speech. Dialogues inter-espèces
Catherine Clover, Maëva Longvert et Oussama Tabti
6 avril-5 mai 2024
Chapelle Venel, Aix-en-Provence

Intentions curatoriales


Le titre Deep Speech joue avec la notion de deep ecology, écologie profonde : c'est-à-dire la pensée écologique reconnaissant au vivant une valeur, une finalité et des besoins intrinsèques au-delà de l’humain. Avec l’ajout du mot speech (discours), l’exposition explore des démarches artistiques que l’on pourrait définir de parole profonde ; elle questionne la place du non-humain dans les dispositifs d'énonciation ; elle aborde les processus de traduction ou de dialogue inter-espèces à travers le travail de trois artistes de différents horizons culturels et disciplinaires : Catherine Clover, Maëva Longvert et Oussama Tabti. Dans son texte Réanimer la nature, l’écoféministe australienne Val Plumwood énonce un projet qui restera au centre de plusieurs débats et pratiques contemporains, engagés dans un questionnement radical des façons dont la relation entre les êtres humains et le vivant ont été forgées en occident :

Il s’agit de ré-animer le monde, de nous remodeler nous-mêmes, afin de devenir les membres d’une communauté écologique […] en acceptant de voir comme une agentivité créatrice non humaine ce qui est trop souvent présenté comme un hasard dénué de sens. Nous pourrons ainsi entendre les sons comme des voix, percevoir les mouvements comme des actes, l’adaptation comme une intelligence et un dialogue, la coïncidence et le chaos comme la créativité de la matière. 1 

L’objectif de ce projet est de démanteler un des récits les plus puissants de la pensée occidentale : celui de l’Homme comme maître de la nature. Il s’agit, en suivant Plumwood, de déconstruire un humano-centrisme basé sur l’illusion d’autonomie et sur des narrations qui nous rendent « insensibles aux limites, aux dépendances et aux interconnexions de type non humain ».2 Il s’agit de cultiver les relations, les implications, les interdépendances, de « renouer avec tel ou tel milieu et avec les êtres qui l’habitent »3 pour se rappeler que « nous sommes déjà écologiques »4 et que « les humains sont non ‘dans la nature’ mais de la nature, comme tous les autres êtres ».5 Il s’agit, donc, de déconstruire un des piliers de la pensée moderne — le dualisme culture/nature, basé à son tour sur une opposition encore plus profonde entre matière et esprit — pour reconnaître, d’un côté, que le vivant est doté d’agentivité, de sensibilité et d’intentionnalité et, de l’autre, que l’espèce humaine est toujours prise dans des enchevêtrements symbiotiques avec la nature.  

Deep Speech. Dialogues inter-espèces propose de poser un regard et une oreille sur ces efforts de penser (et d’agir) autrement à travers le prisme du langage, de la parole et des pratiques vocales. Depuis la Grèce antique, la pensée occidentale a fondé la spécificité de l’espèce humaine sur l’esprit et le langage. Aristote définit l’Homme comme zoôn politikôn — animal politiqueet zoôn logôn echôn — animal possédant le langage — en posant les prémisses pour l’une des fondations de l’anthropocentrisme et des rapports de dominations que l’espèce humaine a imposé aux autres : la possibilité de prendre la parole et donc de se constituer comme sujet politique en accédant à la communauté et à la vie commune. Mais si l’on considérait les espèces non humaines comme des animaux politiques prenant la parole ? Si on écoutait le vivant, même dans ses silences ? Si on prêtait une oreille attentive à son discours pour sortir du monologue humain et ouvrir des cadres de dialogues ? Il s’agirait de réactiver notre sensibilité, d’imaginer d’autres possibles, de transformer nos relations au monde, de « devenir capable d’accorder de l’attention »6 ou tout simplement d’introduire « une culture de la sympoièse, des créations de sensibilités et de rapports entre humains et non humains que génèrent ces sensibilités ».7 Il s’agirait, comme Donna Haraway le propose, de faire avec, devenir avec, composer avec, s’accorder avec ; d’élargir le champ des relations sociales au-delà de l’humain pour fonder des nouvelles assemblées et assemblages avec les autres espèces vivantes, le règne minéral et les artefacts technologiques.

C’est précisément en tendant son oreille au chant d’un merle qui la réveille un matin que la philosophe Vinciane Despret commence à écrire son livre Habiter en oiseau. Despret propose de désapprendre nos façons d’imaginer les territoires pour les repenser comme des partitions, des compositions polyphoniques, des milieux à habiter (à co-habiter) plutôt qu’à posséder, à partir des manières de vivre des oiseaux. Pour elle, il s’agit moins d’analyser les comportements des oiseaux que d’apprendre d’eux, de leur demander « de nous ouvrir l’imagination à d’autres façons de penser, … de rendre perceptible l’effet de certains types d’attention ».9 Peut-être d’apprendre à se taire, d’interrompre l’anthropocacophonie, pour se coordonner et composer avec eux.

De la même façon, les projets de Catherine Clover, Maëva Longvert et Oussama Tabti pour Deep Speech ne posent pas un regard scientifique sur la communication animale mais nous invitent à nous interroger à partir des oiseaux, à nous poser des questions, à imaginer d’autres relations avec eux et, à travers eux, avec le monde. Dans la diversité de leurs démarches, les installations des artistes nous suggèrent des manières de visualiser, actualiser, vocaliser et partager des échanges et des liens entre êtres humains et oiseaux via la voix, la parole, le discours ou le récit. 

Extrait du texte critique d'Elena Biserna 
accessible ici en version intégrale  

____________________________________
1.  Val Plumwood, Réanimer la nature. Paris : PUF, 2020, 59.
2.  Ibid. 32-33.
3. Isabelle Stengers, Résister au désastre. Marseille : Éditions Wildproject, 2019, 46. 
4. Timothy Morton, Être écologique. Zulma, 2021.
5. Isabelle Stengers, Résister au désastre, 47.
6. Vinciane Despret, Habiter en oiseau. Arles : Actes Sud, 2019, 15.
7. Isabelle Stengers, Résister au désastre, 43.
8. Donna Haraway, Vivre avec le trouble. Vaulx-en-Velin : Les éditions des mondes à faire, 2020.
9.  Vinciane Despret, Habiter en oiseau, 154.

INFORMATIONS PRATIQUES

Du 6 avril au 5 mai 2024
à la Chapelle Venel
27 rue Venel
13100 Aix-en-Provence

Horaires d'ouverture : du mercredi au dimanche de 15h à 19h
Visites guidées : du mercredi au samedi de 10h30 à 18h sur réservation par mail
iris.malnou@lab-gamerz.com

Vernissage, 6 avril, 15h
16h00 EN VOL, atelier de Maëva Longvert
18h00 Activation collective de Wallcreeper de Catherine Clover


Le vernissage de l’exposition est conçu comme un moment de convivialité, de réflexion mais également d’ouverture et de collaboration. 
En après-midi, entre 16h et 18h, Maëva Longvert anime un atelier ouvert à toutes et tous dans le jardin de la Chapelle Venel pour co-produire collectivement une partie de son installation et recueillir des histoires et des récits d’envol qui seront ensuite intégrés à son installation. 
A 18h, le public est invité à participer à une activation collective du projet de Catherine Clover en formant une chorale improvisée médiée et guidée par l’artiste. 

L’atelier EN VOL est accessible sous réservation.
Merci de nous contacter à l’adresse mail suivante : iris.malnou@lab-gamerz.com.

ŒUVRES

Catherine Clover
Wallcreeper


Maëva Longvert
EN VOL
Oussama Tabti
Homo-Carduelis
Oussama Tabti
Meknine ezzine

ÉQUIPE

Direction artistique : Elena Biserna 
Administration générale : Magdeleine Groff 
Direction technique : Grégoire Lauvin 
Communication et relations publiques : Iris Malnou 
Accueil public et médiation : Fanny Jacob
Conseil à la scénographie : Paul Destieu 
Technicien : Felix Neumann
Stagiaire production : Eloïse Vargoz 
Stagiaire technique : Vivien Perrot 

PARTENAIRES

Une programmation imaginée et produite par LABgamerz dans le cadre de la Biennale d’Aix 
Avec le soutien du Flanders Arts Institute, la Maison de la musique contemporaine et The Arab Fund for Arts and Culture - AFAC
En partenariat avec le GMEM — Centre national de création musicale, le Centre Wallonie Bruxelles — Biennale NOVA_XX,
l’ESAAix-École supérieure d’art d’Aix-en-Provence, Actes Sud, Hexalab, π-node, Paysage endormi et Librairie Lagon Noir.

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